Ce Royaume d’enfance que j’ai habité, que j’ai tant aimé, et qui est, sans doute inconsciemment, le soubassement de ces Mémoires, renferme des structures figuratives que je ne pourrai dessiner toutes, des espaces symboliques ou imaginés que je ne saurai faire visiter tous, des êtres chers que je ne pourrai nommer tous, et qui, pourtant, restent enfouis au plus profond de moi-même. Je vais toutefois tenter de restituer, ici et maintenant, quelques- unes des images les plus fulgurantes. Ce sont ces baobabs centenaires d’une banalité déroutante, le jour, mais qui, dès la tombée de la nuit, imprimaient à leur arborescence des présences ineffables, donnant l’impression qu’ils sont hantés, et qu’ils se murmuraient les uns aux autres de singulières paroles. Que dire de ces étangs translucides où se débattaient les têtards, et où les nageoires de carpes d’eau douce qui s’y déplaçaient dégageaient une lueur argentée qu’amplifiaient les rayons du soleil ? En route vers l’École annexe, nous nous y arrêtions tous les matins pour tenter de repérer celle-là qu’on avait identifiée la veille.