Cet ouvrage aborde la problématique de la résistance des sociétés sénégambiennes à l’ordre colonial français. Il est la deuxième publication que Ismïla Ciss consacre aux groupes Seereer du nord-ouest qui constituent un champ d’étude propice pour l’historien intéressé à l’évolution des sociétés africaines sur la longue durée. La traite atlantique (XVe-XIXe) inaugure l’emprise progressive des Européens sur l’Afrique qui se présente désormais comme un maillon important du commerce triangulaire. Entamée timidement dès la première moitié du XIXe siècle au nord du Sénégal la conquête coloniale progresse rapidement dans le reste de la Sénégambie septentrionale. Insérés dans l’ordre colonial imposé par la France, les groupes seereer s’accommodent difficilement des nouveaux statuts juridico-administratifs appliqués aux paysans. La résistance à l’armée coloniale est d’autant plus forte qu’elle a très tôt pris la forme d’une guérilla rurale organisée par les paysans qui ont très tôt perçu la nouvelle menace qui pèse sur leur indépendance chèrement sauvegardée face à la tyrannie des Etats ceɗɗo du Kajoor et du Bawol, leurs voisins immédiats. Ciss met en exergue les constructions mémorielles qui ont été développées autour du toponyme Alloup Kagne, (« le ravin des voleurs » des sources écrites), dont l’évocation a commencé à susciter un débat qui plonge historiens et traditionnalistes au cœur des tribulations de la France colonialiste en pays seereer du nord-ouest. La conquête militaire du Sénégal achevée, le pouvoir colonial organise les structures de l’État colonial, pour intégrer les paysans dans le système d’exploitation économique qui se renforce après la défaite des pôles de la résistance armée. Les changements nés du modèle de société coloniale engagent le Sénégal dans de nouvelles logiques politiques, économiques et socioculturelles. Face à cette dynamique, les minorités démographiques et linguistiques Noon, Ndut, Saafi, Paloor, Laalaa, Seh du Jooƃaas et du Jigemƃ) adoptent diverses formes de résistance pacifique, en évitant toute compromission politique avec l’Administration coloniale. Elles se montrent cependant plus ou moins réceptives au christianisme, à l’école et à l’islam, dans le cadre d’un syncrétisme culturel avec la religion du terroir, utilisé comme « soupape » contre la tyrannie du régime de l’indigénat dans les pays de protectorat.